


AIMER LES MOTS
Le désir d’exprimer mille choses presse,
Le crayon, la main paressent,
Les pensées graines restent au chaud dans le cocon.
En voilà une qui s’avance
Elle part, oscille entre deux portes,
Elle s’agite dans tous les sens, a peur de grandir.
Que va-t-elle découvrir ?
Les trésors de l’enfance ?
La rage de vivre ?
L’horloge du cœur fait tic-tac,
Dans le train du matin, c’est l’heure,
Les mots se révoltent, se rassemblent
Ils s’évadent de la prison du passé sans nom.
Ils frappent à la porte
Mon présent les recueille
Nous prenons le sentier de la liberté
Ils négligent la météo,
Des mots sont perdus, trompés de gare,
Je veux tous les accompagner.
De son sifflet, le chef de gare fait signe de se presser, je les installe dans les wagons,
Les mots sont énervés, ils ont envie de chahuter,
Ils vont arriver au pays du Grand dire,
Je les dépose avec tendresse, je les enveloppe dans le papier doré.
Je vais trier ceux qui sont trop mélangés.
Tous sont acceptés
Je calme ma faim de mots.
Mais
Le papier se met à revendiquer !
« - Pourquoi vous vautrez-vous sur ma blanche nudité ? Vous me salissez ! Mon avis n’est jamais demandé !
Ratures, taches, gros mots, railleries, lettres noires et cruelles ! »
Depuis des années, je subis vos plus ténébreuses pensées, votre plume me blesse, vos mains s’appuient sur moi,
Imposent les pires intentions, aucun égard pour moi qui accueille !
Mais les mots n’ont plus envie de s’arrêter,
Les ribambelles de phrases se croisent, courent les unes après les autres.
Dans une profonde clarté un drame intérieur s’achève,
Guerrier survivant.
Le rideau s’ouvre : Les mots comédiens ne jouent plus avec le passé,
Ils décident de se présenter, de prendre leur juste place.
Françoise Lemercier