


CULTIVONS NOTRE JARDIN
« C’est pas une année à jardin » assène Denis les yeux baissés sur ses mains triturant ce cahier qu’il apporte à chaque séance sans encore oser l’ouvrir. Il lève les yeux et me regarde, soucieux. « Qu’est-ce que je vais faire de ces vacances ? »
Vacances. Emprunt du latin vacans, participe présent de vacare qui signifie « être vide ». Donc « étant vide ». De quel étant s’agit-il là ? Est-ce l’étant de l’être-là ?
Et si c’est le cas, cet Etant vide préfigure-t-il le Rien à déchirer pour créer ou n’est-il que la béance de l’absence d’Etre ?
J’ai rencontré cette année dans mon potager de nouveaux habitants. Invisibles, creusant des galeries souterraines, vivants dans l’ombre et la nuit, ils dévorent méthodiquement mes pommes de terre. Certains matins, je découvre effarée une béance là où la veille encore s’élevait fièrement un plan de Belle de Fontenay.
Des rats taupiers. Indestructibles m’a-t-on affirmé. Là où je plante, là où j’œuvre au déploiement du vivant, ils détruisent, dévorent, privant ainsi la Belle de Fontenay d’aller au bout de son projet … et du mien.
A aucun autre moment de l’année, la nature n’est aussi manifestement abondante qu’en été. En pleine effervescence, elle se multiplie, se déploie, se répand, envahit. Gorgée d’eau, de sucre et de feu, elle se montre. Le temps des récoltes est là.
Cette année, le froid l’a rendue plus timide laissant la place belle aux limaces, rats, cochenilles et autres créatures de l’ombre.
Que va donc décider le jardinier ? Va-t-il subir la malédiction et attendre, en vacances, des cieux et des ans plus cléments ? ou va-t-il se mettre debout et tracer, quoi qu’il advienne, son chemin ?
Le week-end de la Saint-Jean d’été a eu lieu à Sementron, au cœur de la Bourgogne, un grand moment de récolte, de semailles et de transmission. Le séminaire « Survivre » par Henri Saigre. J’y étais.
Amis thérapeutes et art-thérapeutes, créateurs et jardiniers, cultivons notre jardin.
Frédérique ASTRUC