




DES NOUVELLES D'AILLEURS
L'expérience de l'hôpital psychiatrique de Chéraga, sur les hauteurs d'Alger m'a interpellée. Il a vu affluer depuis quelques années nombre de victimes de catastrophes diverses. Alger a connu, outre les années noires du terrorisme, un violent déluge emportant arbres, maisons, hommes, femmes, enfants sur son passage et deux ans après, un fort séisme faisant des milliers de morts. Effroi, consternation, solitude des survivants.
L'équipe de l'hôpital s'est alors interrogée sur quelle thérapie proposer aux patients qui affluent. Elle s'est posée la question du socle de la société algérienne, socle sur lequel la thérapie va s'appuyer. C'est la famille. En Algérie, l'individu existe par et pour sa famille du sens strict et au sens le plus large de cette entité.
La décision a été prise de former toute l'équipe de soignants : psychiatres, psychologues, infirmiers, etc... à la thérapie familiale systémique avec l'assistance d'une équipe de spécialistes belges. Ils devaient les aider à concevoir la formation la plus adaptée au contexte algérien, au contexte de catastrophe et aux soignants locaux. Belges et algériens ont conçu "en marchant" la formation d'une durée de trois ans. Des formateurs algériens se sont spécialisés dans cette approche et l'ont dispensée, non sans difficulté, à nombre d'autres soignants d'hôpitaux psychiatriques de tout le pays. Aujourd'hui est née l'Ecole d'Alger de Thérapie Familiale. Le diplôme dispensé est reconnu par le ministère de la santé.
Plusieurs points de cette expérience peuvent être soulignés :
- Le contexte d'urgence a donné lieu à une réflexion de fond et à une approche de terrain transmissible et pérenne (chaque hôpital du pays a un ou plusieurs thérapeute familial).
- Le thérapeute familial est intégré à l'équipe de soignants (parfois non sans mal). Il apporte des compétences nouvelles et une ouverture à la psychothérapie.
- Le travail avec la famille est aussi un travail sur un des socles de la société. A l'échelle de l'hôpital, il offre un espace de parole, de soutien et d'évolution de la relation non seulement entre individus de la même famille mais également entre soignants.
- La détermination et l'engagement d'une équipe de soignants, dirigée par un des trois seuls psychiatres algériens à l'indépendance de l'Algérie a semé des graines dans tout un pays.
- L'accompagnement d'une équipe belge qui a su allier humilité, disponibilité et co-travail rappelle celui de l'art-thérapeute.
- La légitimité du thérapeute familial dans l'équipe est acquise par la reconnaissance institutionnelle. Elle ouvre des portes d'autres formes de psychothérapie dans un contexte où seuls les médicaments et la médecine traditionnelle opèrent.
Les mêmes évènements en Algérie, comme ailleurs dans le monde, ont vu se créer des approches de psychothérapie et d'art-thérapie notamment avec les enfants. Actuellement des hospitaliers et associations de ce pays s'interrogent sur quelle art-thérapie introduire, avec quels art-thérapeutes. La démarche de l'équipe de Chéraga est instructive. Elle trouvera pour la mener des personnes déterminées, engagées et inspirées.
Yamina NOURI