


ENCORE UN EFFORT, MADAME LA RAISON
Tant que le monde voudra rester sous l’unique domination de la raison, les affaires des hommes iront mal. Tant que la sacro-sainte pensée régentera nos destinées, celles-ci ne pourront s’épanouir. Lorsque l’imagination n’est qu’un prolongement de la pensée opératoire, confrontant les situations vécues aux souvenirs qui forment soi-disant l’expérience, l’histoire continuera à ânonner entre les mains de ses thuriféraires. Ceux qui continuent à penser que la création n’est pas de la compétence humaine, la réduisent à une créativité destinée à nous faire avaler l’ineptie des remèdes qu’ils proposent. Nous en voyons les résultats : le monde s’enfonce, jours après jours, dans le chaos, les sociétés ne sont plus porteuses des bonnes vieilles névroses victoriennes, mais du climat de psychose que génère l’ère postmoderne, où nous voyons que la violence est de moins en moins refoulée mais de plus en plus agie.
Période très dure à vivre, mais paradoxalement riche d’espoirs. Car si nous estimons que l’imagination créatrice précède toute pensée, nous savons aussi que c’est dans le chaos que la création prend demeure. Ce chaos, trop plein d’énergies et de matières non structurées ou déstructurées, est en attente de formes nouvelles. Or nombreux sont ceux qui, pleins d’énergie, la dispense dans un bénévolat, qui bien souvent ne sert qu’à colmater les brèches du système, au lieu de la mettre au service de leur imaginaire et de rêver un autre monde.
Alors encore un effort, Madame la Raison, continuez à accumuler vos bourdes jusqu’à ce qu’elles rendent la révolution nécessaire inévitable. Pas les révolutions à la Caliban où seuls les personnages changent mais pas le fond des choses, celle où les hommes ne pourront plus faire autrement que d’en appeler à leur imaginaire afin de s’inventer de nouvelles manières d’habiter le monde. C’est dans cette perspective que s’inscrit le MAT, non pas celle de l’art-thérapie qui soigne ou plutôt colmate, mais celle de l’art transformationnel, qui cherche une autre vision de notre humanité.
En créant je me crée, ainsi des mondes.
En créant nous nous créons, ainsi des mondes.
Henri Saigre