


INTERDIRE DIEUDONNE,
Sous couvert de la sacro-sainte défense de la liberté d’expression, l’interdiction d’un spectacle d’un se-disant humoriste a fait, fait et fera encore couler beaucoup d’encre. Attendons-nous à ce que nos plus belles plumes y aillent de leurs indignations vertueuses sous couvert de défense de la chose publique.
Ne voyons-nous pas que les sociétés se grattent là où ça les démange ? Dès lors les uns répondent par la répression de l’incitation à la répression, les autres par des aphorismes tel que « il faut interdire d’interdire ». Quelle que soit l’attitude prise, ne montre-t-elle pas que toute expression qui n’est pas conforme à la pensée de qui croit penser, doit être censurée ?
Que n’ont-ils lu Dante qui, dans La Divine comédie, nous incite à laisser se gratter ceux qui ont la gale, et cependant passer à autre chose, comme partir d’un grand éclat de rire devant l’ineptie de nos bien-pensants.
Je préfère me remémorer ce qui s’était échangé lors du XIème colloque international organisé par « Marionnettes et Thérapie » sur le thème Interdits : inter-dits ? Oh la bonne question !
J’y situais quant à moi l’interdit comme nécessité protectrice offrant un cadre qui permet de dire un certain nombre de choses qui parlent de transgressions. En quelque sorte un appel à reculer les limites pour avoir accès à une autre dimension de notre être, à un espace où dorment et nous attendent nos possibilités créatrices.
Encore faut-il, pour accéder à cet espace, se débarrasser de soi-même, ce dont ni les Dieudonné de tous poils, ni ceux qui s’érigent en garants des soi-disant libertés, ne semblent disposés à entreprendre, en abandonnant leurs certitudes qu’ils basent sur l’histoire. Le passé leur colle aux couilles. J’emploie cette expression triviale en référence à se gratter. Pourquoi ont-ils donc si peur de penser que l’histoire peut être autre chose qu’un éternel recommencement ?
Car l’histoire n’est que ce que nous la faisons ; et nous pouvons la vouloir ouverte à tous les possibles non encore advenus. Alors, dans l’interdit du cadre, l’inter-dit pourra se montrer à l’œuvre, et il se pourrait qu’il en sorte des œuvres qui parleront de la beauté du monde et de sa vérité.
Henri Saigre