


L’ANGOISSE DE LA PAGE BLANCHE
Que faire de cet espace qui s’ouvre soudain à moi ?
C’est trop de liberté ! Je ne sais comment y entrer,
m’y ouvrir…
Je ne voudrais pas me tromper. J’ai peur de me montrer et d’être jugée, alors je dis que « rien » ne me vient. C’est la fuite mais la page blanche est face à moi, telle un miroir, ça fait comme un grand vide qui me happe. C’est le néant.
Elle est si belle cette feuille….la froisser, recommencer?
Comment sortir de l’inertie et ressentir le fourmillement de la vie qui jaillit en cascade sans retenue ?
Je te pousse sur la feuille car rester sur le bord a duré assez longtemps !
Tente de suivre cet élan et autorise toi à être en mouvement. En vie.
Sur le « miroir-feuille », les premiers contours se définissent apparaît une toute petite fille en boule qui pleure sur la grande page ou alors un petit garçon, qui n’ a pas de sexe, dessiné dans un cercle ou encore un monstre avec un trou à la place du ventre.
La petite fille est devenue une dame qui demande à son compagnon chaque matin :
« Quel est ton programme aujourd’hui ? » Elle se calque sur son rythme pour trouver du sens à ses journées. Chaque matin est une nouvelle page blanche à affronter.
Le petit garçon s’est fait cassé ses épées par son père et l’homme d’aujourd’hui se réfugie dans sa tête, va t-il se donner la permission de recréer cette épée et la brandir victorieusement ?
L’enfant a couché l’un des monstres de ses cauchemards sur le papier. Quelles émotions ressent-il, lui, avec son ventre ?
Que faire d’une « plage blanche » par dessus celles déjà écrites, raturées, pas tout à fait tournées ?
Elles sont comme des vieux rêves dans la réalité.
C’est le temps de la séparation :
Ils sont venus clore leur relation, ils se demandaient ce qu’ils devaient faire de ce pot en terre gravé de leurs noms offert à leur mariage, le casser ?
Sur la page blanche, ils ont symbolisé le terreau de leur rencontre puis l’objet de leur discorde et surtout le cadeau « l’ingrédient essentiel » que chacun a reçu de leur vie de couple.
Il a dessiné une main contenant un cœur, elle a modelé un réceptacle avec un cœur tracé à l’intérieur. Ils se sont surpris.
Ils ont laissé un témoignage de leur amour et la poterie restera intacte. Ils ont tourné la page et se sont dits adieu.
Et si tout était encore à construire ?
Suite à un accident, la mémoire de cette dame âgée flanche, certains signes sur les pages du livre de sa vie s’estompent et s’évanouissent .Que va t-il en subsister? Quelle histoire va être recréée?
Sa fille, inquiète, craint de tomber dans l’oubli et de ne plus exister dans le regard de sa mère. Que peuvent elles éprouver d’unique dans les moments qu’elles partagent désormais délivrés du poids de leur histoire ? Une balade, une création de confiture… sur une page éphémère à saisir dans l’instant.
Aujourd’hui est un jour nouveau, j’esquisse mon sujet. Encore une fois sur la page, je remets l’ouvrage sur l’établi.
C’est que, je résiste ! Vais-je enfin me débarrasser de ce qui m’entrave ?
- « Oui, je suis en train de créer, il y a là une présence bienveillante, sécurisante, une main chaleureuse qui se tend vers moi, un regard encourageant , une attitude ferme, une certitude que je suis en chemin. »
J’ai suivi l’impulsion du mouvement et j’ai accueilli le mouvement de la spirale, je me suis débarrassée d’une de mes mues, je retrouve la saveur d’une nouvelle page qui s’ouvre à moi comme autant de promesses et d’amour.
Valérie Bascoul