



L’ENFANT CREATIF ET LA JUSTE DISTANCE
Article publié dans L'assmat, mensuel des assistantes maternelle et des familles d'accueil. Janvier 2015.
« En créant, je me crée »
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Dans la grande salle lumineuse et colorée de la crèche, dix enfants de moins de trois ans, en couches-culottes, jouent sur un sol souple. Certains malaxent de l’argile blanche ou rouge. D’autres choisissent une couleur de peinture et montrent à un adulte l’endroit du papier ou de leurs doigts où ils vont la déposer. Dans un coin, installés dans une bassine bleue en forme de coquille saint-jacques, quatre grands font couler du sable entre leurs mains, sur leurs pieds ou ceux de leurs voisins avec leur accord ; un petit jeu de cache-pieds s’instaure. Un plus petit s’approche à son tour, ose un orteil dans le sable, le pied et finalement y prend sa place du mieux qu’il peut. Un des enfants verse du sable en dehors du bac, bientôt suivi par un autre. « Que fait-on maintenant ? » demande l’accompagnatrice qui organise cetatelier. Le nouveau jeu consiste à remettre le sable dans le bac avec les mains en guise de coupelle. Eparpiller et rassembler.
Deux auxiliaires de puériculture, référentes des enfants, se joignent à ceux qui manipulent la terre, tout en restant attentives aux autres. L'une d’elles s’étonne en voyant une petite fille les mains dans l’argile : « D’habitude, elle n’aime pas se salir. Je pensais qu’elle n’y toucherait pas. »
Un petit garçon court dans tous les sens en traînant un grand tissu multicolore. Lorsqu’il s’arrête, l’accompagnatrice qui organise l'atelier s’approche de lui et l’enveloppe avec le tissu. Il se redresse, majestueusement drapé, et marche, tout à coup calme, posé, rassemblé.
Après vingt minutes, l’atelier créatif s’achève. Une puéricultrice s’étonne : « Qu’est-ce qu’ils sont apaisés ! Et nous aussi, ça nous repose… »
Cet atelier de 6 séances était organisé par la ville. Il a accueilli des enfants différents à chaque fois. Il mettait à leur disposition de la terre, du sable, de l’eau, de la peinture au doigt, des tissus de textures et de couleurs variées, ainsi que des objets que les enfants pouvaient utiliser selon leurs envies et leur humeur : objets sonores ou instruments de musique, tel un kalimba (instrument africain muni de lames vibrantes), des balles en filasse odorantes… Un tube en tissu de fabrication maison est muni de poches. En y plongeant les mains les enfants y trouvent et en extraient des objets plus ou moins lourds et denses ; certains font du bruit tels des grelots.
Dans cet atelier, les enfants s’élancent vers ce qui les attire, au moment où cela leur plaît, et changent d’activité à leur gré. Les adultes sont présents sans s’immiscer, sans donner d’instruction, sans même conseiller. Ils n’interviennent que pour assurer la sécurité des enfants, veiller à ce qu’aucun ne se sente agressé par un autre et parfois pour donner une impulsion de départ à ceux qui en ont besoin. Par exemple, à ce garçon qui regarde le sable sans le toucher malgré la sollicitation de la puéricultrice.
L’accompagnatrice encourage le geste qu’un enfant esquisse, soutient le regard d’un autre, échange un sourire avec un troisième ou encore fait couler du sable en cascade. L’enfant qui regardait sans agir met sa main dessous. Cette première sensation passée, il poursuit seul et à sa façon ses jeux dans le sable.
La "juste distance" est la clé qui assure la réussite de l’atelier. Libre, l’enfant crée spontanément, à son propre rythme, expérimente, explore, essaye et ainsi suit son propre chemin. Si les enfants s’activent aussi calmement, c’est que leur énergie est canalisée par le cadre constitué de quelques règles, donné par l’accompagnatrice : on ne jette pas le sable et la terre ; on ne se fait pas de mal ; on ne fait pas de mal aux autres…
Les tout petits ne sont pas en reste
Sur un épais tapis vert, dans une salle utilisée par un relais assistantes maternelles, un bébé gigote, essaye différentes positions, se retourne sur le dos, sur le ventre, recule, pivote… Il se meut à sa façon, trouve des postures différentes lesquelles, petit à petit, l’amèneront à trouver la position assise quand il y sera prêt. En plus de la nouveauté et du confort de cette position, le fait de l’avoir trouvée par lui-même lui procurera une véritable satisfaction. Cela lui donnera confiance en ses possibilités de continuer à évoluer de façon autonome. [...]
Suite de l'article en document joint.
Les auteurs de cet article, Anne-Marie REGNIER et Claudia THERMIDOR, animent des ateliers très divers. Elles s'inspirent des « ateliers combinatoires » proposés par Henri SAIGRE. Elles les animent souvent ensemble, s’adaptent aux demandes. Elles utilisent des salles appropriées aux groupes d’enfants et aux activités proposées.
De retour chez eux, les adultes référents les adapteront selon leur envie, leur inspiration et bien sûr leur lieu de vie.
Fichiers joints : | ![]() | L'enfant creatif.pdf |