


LARME A LA REPUBLIQUE
Non ! Nous n'en voulons pas !
Les raisons raisonnables se bousculent aux portes bien-pensantes.
Non ! Il n'y a pas assez de travail pour nous alors on ne peut pas les accueillir !
Il n'y a pas de logement pour tous, des familles sont à la rue, des Français dans la misère !
Non ! Il y a déjà tant de difficultés d'intégration, tout ça, ça ne va pas s'intégrer,
ça fera de la graine de terroriste!
Ceux-là s'infiltrent parmi eux pour nous nuire,
nous interdire d'être qui nous sommes, nous imposer leur religion !
NON !
La vague bleue est une baleine à grande bouche.
Dans la chaleur des fourneaux, l'homme déjà mort d'une vie de médiocrité
médusé par les images télévisées
adhère au ventre abîme de la mère
et cherche sécurité
s'accroche à son confort.
Il rêve sans mot dire de nettoyage salutaire,
rien à voir avec Hitler et la Shoa,
si ce n'est le cours de la bourse et "la résistible ascension d'[un]Arturo Ui.
"Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde" clamait Bertolt.
Au vent de la mer,
au creux de l'écume,
dans la poisse humide d'une terre qui colle et enlise,
piège qui se referme,
dans le froid d'un pays étranger,
pays qu'ils imaginaient autre,
pays qui a trahi ses fondamentaux,
pays qui a troqué le mot de"réfugié" pour celui de "migrant",
dans le chaos de détritus,
des Hommes ont rêvé, ils espéraient
sous les bâches bleues.
A bout de force,
au fil rompu de leur avenir
ils ont appris à quel point ils n'étaient Rien ;
amas de chair humaine
entassés là.
De ce rien,
de la révolte de l'être qui a tout perdu, tout risqué, tant enduré,
ils se sont dressés, ils ont créé,
là où nous avions cessé d'être.
Et les artistes les ont rejoints.
Est-ce pour cela que ce bleu azur là
a été arraché ? Démantelé ? Table rasé ?
Pour les contenir, des conteneurs !
Nous nous sommes crus supérieurs,
pointe de la civilisation,
Rois Soleils aux coqs chantants.
Défenseurs de libertés, nous avons guerroyé
pour exploiter minerais, contrôler richesses et économie.
Mais nous, les colonisateurs,
imposeurs de nos modes de vies,
Empêcheurs de différences,
tremblons lorsque ceux-là demandent asile,
tremblons d'être colonisés.
La race aryenne en déchéance se sent menacée.
Il incombe à chacun de nous,
à chaque instant,
d'être ou de ne pas être,
de s'ériger ou de dévaler,
de se rêver ou de se laisser ordonner,
créateur ou subissant,
libre ou aliéné.
Place de la République
et à chaque place "républiquée",
partout en France,
enfin
les héritiers du chaos se tiennent debout.
Anonymes noctambules ils campent,
Ils sont ίδιος se livrent au κοινός
Bouches et oreilles
Ils tissent
bâtissent
rêvent et créent
la société de demain
échangent
débattent
refusent
et mettent en mouvement
l'avenir
Fleur perdue dans le désert
ils l’arrosent et croient
étoile Bergère
nommée Utopie un jour
sera à la chaîne du temps
réalité d'un jour.
Ne trouvez pas naturel ce qui se produit sans cesse !
Qu'en une telle époque de confusion sanglante
De désordre institué, d'arbitraire planifié
D'humanité déshumanisée,
Rien ne soit dit naturel, afin que rien
Ne passe pour immuable.
« L’exception et la règle » Bertolt Brecht, éd. L'Arche, 1974
A Calais
ou à Paris,
pendant que d'aucuns dorment encore et toujours
le combat est de même
SURVIVRE.
Rosario Orenes-Moulin