


LE DESERT DE SANG
Dans une nuit étoilée, un ciel aux mille étoiles, j'entends le son des tambours, tam tam tam.
Je suis imprégnée de ce son et de cette musique qui m'enveloppe, qui m’étreint...
Je sens couler en moi la douceur de ce bruissement et de ce tempo. Mes jambes commencent à vaciller, mes jambes commencent à remuer, mes bras, mes mains sont déjà dans le rythme et frappent aux sons des tambours. J'ai envie de bouger, j'ai envie de danser. Prise d’une frénésie implacable, je me lève et je danse autour de ce feu, autour de cette chaleur. Je vois danser des ombres, la mienne, celle des autres ; mes ancêtres et les ancêtres du monde tournent et dansent autour de moi, avec moi. Dans la nuit flamboyante, je regarde au travers des ombres, des yeux intimes, des yeux noirs, des yeux timides, des yeux qui prennent dans leurs faisceaux des gestes sensuels, une danse, un corps en mouvement, un corps en éveil. Je me meus avec les musiciens, je suis le tambour, je suis le tempo, je suis la vie.
Un œil au plus profond de mon être me permet une intimité naissante, je regarde cette ombre qui baisse les yeux et lorsque moi même je baisse les yeux, je perçois ce regard qui me transperce au travers de la nuit. Un jeu de séduction, un jeu de sensualité extraordinaire au milieu de ce sable.
J'ai les pieds dans le sable et la tête dans les étoiles ou bien les pieds dans les étoiles et le sable qui me coule doucement sur les épaules…Je ne sais plus.
Femmes et hommes ne font qu'un, sans se parler, sans se connaître, sans se reconnaître mais au plus profond de mon être, je le perçois : ils sont là, je suis là, présente à la vie.
Tam tam tam font les tambours faits de barriques et de jerricanes, les mains frappent les pieds tapent, une communion immense et intense dans un chaos universelle. Je suis la déesse du feu qui danse, je suis la déesse qui danse dans le feu, je suis la déesse qui danse dans l'ombre, je suis le feu, je suis la déesse qui danse dans la lumière, je suis l'ombre, je suis la lumière. Au gré de la nuit, je regarde ce ciel étoilé qui m'éblouit, mes bras virevoltent, mon regard vacille, mes pieds buttent dans le tapis du désert. Pieds nus, je sens le sable froid me traverser, mais mes pieds s'échauffent en dansant, je ne sens plus mon corps, je ne sens plus mes muscles, je suis comme désincarnée, je suis le sable du désert, je suis ce grain qui accompagne cet autre grain et qui forment la dune.
Je suis la déesse d'Hirir, celle aux longs cheveux qui bat ses ailes, comme pour voler comme pour s'envoler. Les musiciens continuent de frapper tam tam tam ; au son du tambour, des effluves de thé m'envahissent. Je bois le thé amer, je bois le thé de la vie, je regarde le rituel préparé par les hommes, qui, depuis des millénaires, pratiquent ce mouvement de va-et-vient pour sucrer, pour faire mousser le thé, pour faire mousser la vie. Et je continue à danser avec les ombres de la nuit. Je bois le thé doux, je bois le thé de l'amour, celui qui m'étreint, celui qui m'emporte, celui qui m’emmène dans cette nuit, je continue cette danse, je continue cette transe et je bois le dernier thé, le thé suave, le thé de la mort et je continue à danser… C'est le plus sucré mon préféré mais c'est le thé dernier.
[...]
Christine LEDANOIS
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