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Historique : Documentation

LE MEMOIRE DE MAITRISE DANS LA FORMATION DE PSYCHOPRATICIEN

 

Le mémoire de maîtrise était, en France, un travail personnel présenté par les étudiants, après l’obtention de leur licence pour accéder au troisième grade universitaire : la maîtrise. Le terme, bien entendu, n’est pas anodin : il désignait traditionnellement pour les artisans le premier grade hiérarchique dans la transmission d’un savoir-faire. Atteindre la maîtrise signifie très exactement qu’on n’est plus un apprenti dans une discipline donnée, qu’on a intégré les enseignements reçus, qu’on a achevé son initiation et qu’on prend désormais la responsabilité pleine et entière de ses futurs apprentissages.

A l’université, le mémoire de maîtrise a été souvent un travail de compilation, où il s’agissait de montrer qu’on avait bien appris le jargon et les tics de pensée d’une discipline. Pour ce qui concerne le travail de psychopraticien, où l’habileté intellectuelle peut masquer bien des manques, il eût été trop dangereux et trop grave de laisser croire aux apprentis qu’il leur suffisait de remâcher leurs cours de façon un peu originale, pour pouvoir jouer dans la cour des grands. Au MAT, comme dans la plupart des formations de psychopraticiens, il faut, pour obtenir la reconnaissance de ses pairs, décrire le déroulement d’une thérapie avec un ou plusieurs patients, se mettre en scène, s’engager-  se refléter, se réfléchir-  en tant que praticien. Et ça n’est un travail facile pour personne.

C’est une véritable initiation, qui nous oblige (pour reprendre la phrase fameuse de Lacan, qui définit par là, la discipline que s’impose l’analyste) « à écarter les voiles du narcissisme ». Car il nous faut confronter à la fois notre timidité (voire notre côté pleutre et pusillanime si confortable) et notre prétention (la croyance secrète en un génie, qu’on préfère ne pas définir) pour nous situer dans une attitude juste par rapport à nous-mêmes, qui permette de voir clairement où se situent notre talent et notre compétence et comment ils opèrent.

La tentation de certains candidats est de beaucoup parler de leurs doutes et de leurs maladresses et il y a écoles pour lesquelles, c’est quasiment la règle. Ce n’est pas le cas au MAT. Nous considérons que les hésitations, les errances et les affres d’un praticien débutant ne présentent pas d’intérêt : ce sont les mêmes exactement que celles d’un praticien expérimenté, sauf que ce dernier a appris depuis longtemps à ne pas bâtir un roman autour de cette traversée de l’obscur : dans une thérapie, le héros de l’histoire, c’est le patient, pas le praticien.

Ce qui compte, donc, ce qu’il importe de faire comprendre à travers l’écriture, c’est l’histoire de l’évolution du patient et ce que le thérapeute en comprend, comment il se l’explique.

Le candidat doit, bien sûr, garder en tête que le mémoire s’adresse à un jury et donc, s’inscrit dans la culture et les connaissances de ce jury. Quand on présente son mémoire au MAT, par exemple, il est évidemment, tout à fait superflu d’expliquer ce qu’est l’art-thérapie. Par contre, si on s’adresse par exemple, en tant qu’art-thérapeute à un jury de psychanalystes, c’est tout à fait nécessaire.

Une autre tentation courante des candidats est le syndrome du bon élève. Les jurys sont généralement très agacés par ces tentatives pour montrer que les leçons ont été bien apprises et  l’enseignement dispensé tout à fait intégré. La psychothérapie s’organise depuis toujours dans une mouvance continuelle de la pensée et ce qui intéresse les jurys, c’est comment le candidat, avec sa sensibilité particulière a fait fructifié ce savoir et à l’occasion comment il l’a réinterprété.

Enfin, c’est un travail d’écriture et c’est une publication.

Cela veut dire qu’il y faut beaucoup de soins, pour que la pensée soit claire et articulée, que la thèse soit compréhensible et bien argumentée, que le récit soit vivant et facile à lire, qu’il soit rédigéen bon français, qu’on ait veillé attentivement à éliminer les coquilles typographiques, et les inévitables fautes d’orthographe et de grammaire, qu’on ait pensé à une mise en page et une présentation agréable pour le lecteur…

Bref, il faut prendre ce travail très au sérieux. Lutter contre la paresse et la négligence. Ne pas souhaiter le moins du monde l’indulgence du jury.

Exercer comme psychopraticien, cela veut dire très exactement gagner sa vie avec sa pensée et son intégrité : ce sont nos instruments de travail. Et c’est à travers le mémoire et la soutenance de ce mémoire que nous faisons la preuve que nous les possédons suffisamment, pour faire face désormais à notre aventure personnelle dans cette profession.

C’est naturellement un sacré travail. Il faut y investir beaucoup de temps et d’énergie.

Mais c’est le prix à payer pour accéder à une nouvelle forme de liberté, celle qu’on appelle la maitrise. (Voir plus haut …)


Danièle DEZARD