



Le sensible au coeur du 21ème siècle
Nous ne sommes encore qu'au début de ce 21ème siècle,
et nos avancées technologiques nous ont permis de créer de merveilleuses machines-outils qui nous facilitent la vie et qui nous ouvrent à tout un champ de connaissances et de communication jamais égalées.
Mais paradoxalement, plutôt que de nous offrir des plages de liberté et de vacuité, ces machines nous pressent à aller toujours plus vite, elles nous envahissent dans notre intimité et nous sont devenues indispensables, indissociables de notre quotidienneté, jusqu'au jour où elles nous seront "naturellement" greffées en puces.
La machine est-elle à notre service où sommes-nous ses esclaves? Allons-nous devenir des hybrides hommes-machines?
Le 21ème siècle sera-t-il celui de cette mutation?
Avec fascination ou inquiétude, enthousiasme ou résignation, cet avenir est présenté comme une évidence à laquelle nous ne pourrons pas échapper. L'avenir nous devance comme si nous n'avions aucun pouvoir sur ce lendemain qui pourtant ne demande qu'à être habité de nos propres actions et créations.
Nous nous projetons ainsi dans un avenir qui nous détermine plus que nous le façonnons. Nous entrons dans un moule commun enseigné fermement dès le plus jeune âge par la scolarité, où nous n'avons pas à être, si ce n'est performant en suivant scrupuleusement le rail de ce qui nous est enseigné. Les marques de la différence et de l'individuation demandant à être gommées.
Qu'est-ce alors que être? Qu'est-ce que l'individu s'il n'a d'intérêt qu'en tant que matière « consommante » et consommable?
La technologie apprend au monde que le biologique est défaillant, plus que nos yeux elle voit, plus que notre esprit, elle analyse, plus que notre intuition elle prédit. Nos sens sont dépassés, périmés, le sensible discrédité. Nos états d'âmes, grains de sables dans cet engrenage, sont une nuisance.
En négligeant nos propriétés sensibles n'est-ce pas du Sens même de la vie que nous nous trouvons amputés?
Manque à être, impossibilité d'être, existences vides de sens, souffrances grandissantes qui poussent les foules à se remplir autrement, goulûment, par l'avoir de la consommation, virtuellement, par la cybernétique ou encore par procuration télévisuelle devant un captivant écran de platitude.
Pourtant en ce mois de septembre 2013, en ce encore début de 21ème siècle, et en ce coin de nature où se situe le terreaux des Semailles, la quinzième promotion du MAT va bientôt éclore. Loin de l'agitation populaire, elle est composée de personnes qui ont choisi de suivre une formation où la question du sens de l'être et de son accomplissement est centrale; où le sensible et l'intelligible sont invités à se conjoindre pour permettre à l'individu de s'ériger harmonieusement et où la transformation passe par la création.
Depuis l’Antiquité, en passant par la Renaissance, le siècle des lumières, les fondamentaux restent les mêmes.
Nous y revenons à chaque fois que l'âme semble s'égarer, c'est ainsi qu'aujourd'hui les art-thérapeutes sont de plus en plus sollicités là où il y a une quelconque forme de détresse psychique.
Mais si les sages, les savants et poètes de chaque époque nous ont rappelés à ces fondamentaux, nous pouvons nous étonner qu'aucune société occidentale ne se soit encore risquée à les mettre en pratique dans l'éducation qu'elle donne à ses enfants, comme si l’affranchissement de l'individu risquait de créer le désordre social.
En attendant le MAT reste MAT en chemin de devenirs.
Rosario ORENES-MOULIN