



PSYCHOTHERAPIES
Dans le vaste champ des psychothérapies, on peut distinguer des psychothérapies objectives ou médicales qui visent à guérir des symptômes en utilisant des protocoles reproductibles dont les effets sont statistiquement mesurables - ce sont en particulier les psychothérapies comportementalistes et cognitivistes - et des psychothérapies subjectives qui visent à accompagner une personne unique qui souhaite devenir pleinement sujet de sa propre vie par le soin pris sur elle-même par elle-même. Le processus de subjectivation aboutit généralement à ce que les symptômes guérissent de surcroît parce qu’on s’est replacé dans le courant de la vie, mais ce n’est pas le premier but de ces psychothérapies.
Dans le courant de ces psychothérapies subjectives dont le modèle princeps reste la psychanalyse, les psychopratiques relationnelles s’en distinguent par la créativité de leurs méthodes, même si beaucoup mais pas toutes se réfèrent très souvent aux fondamentaux théoriques de la psychanalyse et poursuivent le même but, à savoir le processus de subjectivation. On y trouve donc une très grande variété de pratiques, toutes fondées sur la relation comme principal axe thérapeutique : relation au psychopraticien, relation à l’œuvre accomplie dans les séances, relation à soi-même, débouchant sur une modification de la relation à autrui dans la vie concrète.
La tendance actuelle des psychopraticiens relationnels est le plus souvent pluraliste dans les méthodes et multiréférentielle dans les théories qui les sous-tendent, pouvant intégrer des approches corporelles, émotionnelles, analytiques, groupales, artistiques etc. avec différents médias créatifs.
L’art-thérapie entre naturellement dans cette grande catégorie du champ psychothérapique, la psychothérapie relationnelle, à laquelle il apporte ses propres spécificités, et en particulier le fait que c’est l’émergence de la créativité personnelle qui est opératoire. Dans l’art-thérapie, c’est donc essentiellement la rencontre avec sa propre créativité et la relation centrée sur l’œuvre créée qui aident à faire advenir la personne comme sujet créateur de son propre vécu. On y voit souvent le transfert, outil principal de la psychanalyse, passer ici de la relation au thérapeute à la relation à l’œuvre réalisée.
L’art-thérapeute se positionne souvent dans une relative neutralité bienveillante comme en psychanalyse, sans impatience réparatrice, avec empathie mais sans implication émotive dans la relation à la personne en travail sur elle-même, transférant ce qui pourrait être investi sur lui vers l’œuvre créée. Nous pouvons aussi appeler cette forme de psychothérapie relationnelle originale « art-transformationnel » pour le distinguer plus nettement des pratiques limitatives qui réduiraient l’art-thérapie à une annexe des thérapies médicales, si ce vocable venait à être réglementé c’est-à-dire récupéré par la médecine et formaté rationnellement par l’université et par l’administration, à l’encontre de la nature même de l’art. C’est ce qui est arrivé au titre de psychothérapeute, devenu en fait psychopathologue universitaire à l’instar des psychologues cliniciens dès qu’il a été réglementé, ce qui a obligé les ex-psychothérapeutes qui voulaient continuer de pratiquer la psychothérapie de la subjectivation à changer de nom pour s’appeler psychopraticiens relationnels.
L’art-transformationnel se situe donc bien dans le champ de la psychothérapie au sens large du terme, les soins de la psyché, et plus précisément dans cette partie du champ des psychopratiques relationnelles non médicales qui visent à faire advenir le « je » comme acteur de sa propre vie, capable de créer en lui-même le renouveau qui le rendra de plus en plus sujet vivant.
Les psychothérapies relationnelles qui utilisent l’art peuvent se décliner en psychothérapies à médiation artistique, c’est-à-dire qui utilisent un média artistique dans le cadre d’une psychothérapie relationnelle ou analytique classique, et en psychothérapies par l’art-transformationnel. Celles-ci se centrent exclusivement sur les processus d’émergence de la création artistique comme source et moteur de transformation de la psyché. Elles visent à la transformation de soi par soi-même en tant que sujet, par l’émegence de sa propre créativité, source vitale et originaire de la psyché vivante.
Yves Lefebvre