


Séminaire d'Henri Saigre Les Éphémères au M.A.T. les 31/05 et 01/06/2014, qui présente son nouvel ouvrage à paraître bientôt chez l'Harmattan
Qui va là?
Tel le flux vivant d'un Globe Théâtre au plus haut de sa forme, Henri Saigre invoque ce que nous pourrions entendre comme la question qui ouvre la scène de l'œuvre shakespearienne la plus emblématique : Qui va là? Insufflé par l'esprit d'un Hamlet mythique, l'homme nous conduit dans l'univers biopsychique intra-utérin, loin des questions œdipiennes et en présence d'un matériel iconographique époustouflant, à la recherche de
Qui donc assumerait ces charges, accepterait de geindre et de suer sous le faix écrasant de la vie, s’il n’y avait cette crainte de quelque chose après la mort, mystérieuse contrée d’où nul voyageur ne revient ? Voici l’énigme qui nous engage à supporter les maux présents, plutôt que de nous en échapper vers ces autres dont nous ne connaissons rien. Et c’est ainsi que la conscience fait de chacun de nous un couard ; c’est ainsi que la verdeur première de nos résolutions s’étiole à l’ombre pâle de la pensée ; c’est ainsi que nos entreprises de grand essor et conséquence tournent leur courant de travers et se déroutent de l’action. (Hamlet, Acte III, Scène I, trad. André Gide)
En tant qu'accompagnants et accompagnantes des personnes dans leurs transformations, nous sommes invités à laisser tomber le travail de deuil de la moitié morte in utero pour incarner les cavaliers de la quête de ce double perdu, en le renouant à l'élan vital des personnes en souffrance pour qu'elles se nourrissent de ce lien et s'élancent vers l'action créatrice porteuse des transformations souhaitées. Car, de toute façon, le Fantôme est hic et ubique (ici et partout), nous dit bien Hamlet. Ce serait donc plus intelligent de lui faire place, l'aider à trouver son entrain plutôt que de l'emprisonner dans le royaume souterrain d'Hadès pour l'Éternité.
Cela m'évoque la célèbre comptine de Carnaval de Chiquinha Gonzaga, musicienne et compositeur brésilienne de la fin du XIXème :
Oh abre alas que eu quero passar - Ouvrez les chemins car je veux passer
Eu sou Lira, não posso negar - Je suis Lyre et je ne peux le nier
Et pour cause : les rituels, les masques et l'esprit dionysiaque du théâtre, également présents dans les rites carnavalesques traditionnels brésiliens qui me sont familiers (je ne parle pas du Carnaval de Rio pour les touristes, animé de tout autre chose), sont au rendez-vous de cette rencontre au M.A.T. Henri Saigre nous convoque non seulement à la réflexion, mais également à l'expérience de notre rapport au double et au dédoublement via action théâtrale. Eh oui, avec Henri, pensée et action sont toujours rattachées! De façon bien érotique, amicale et généreuse, sans aucune pulsion d'emprise qui pourrait handicaper cette relation vitale aussi agréable qu'utile...
Claudia Cavicchia